Alors que les professionnels espéraient des mesures encourageantes dans le budget 2025, l’instabilité politique a douché leurs attentes. La censure du gouvernement et la démission qui a suivi bouleversent le secteur immobilier, freinant des initiatives et alimentant l’incertitude, ce qui pousse les acheteurs et investisseurs à attendre.
I. L’immobilier en suspens face à l’incertitude
La censure du gouvernement, votée le 4 décembre, et la démission survenue le lendemain ont surpris les acteurs du secteur immobilier, qui s’attendaient à des mesures favorables dans le budget 2025.
Après une période difficile, le marché immobilier montrait enfin des signes de reprise. En effet, les taux de crédit, en légère baisse, et les différentes réformes annoncées ouvraient de nouvelles opportunités pour les acheteurs et les investisseurs. Cela laissait espérer une redynamisation du secteur. Cependant, l’instabilité politique risque désormais de freiner cette dynamique positive, plongeant l’avenir du secteur dans l’incertitude et contraignant acheteurs et vendeurs à adopter une attitude attentiste.
Plusieurs réformes étaient envisagées pour le PLF 2025, voyons ce qu’il en est.
1. Les mesures qui pourraient être balayées
Plusieurs mesures restent en suspens suite à la démission du gouvernement, ce qui fragilise le secteur immobilier.
- L’ouverture du PTZ : Le prêt à taux zéro (PTZ) était l’une des grandes initiatives du gouvernement. Il devait évoluer pour faciliter l’accès à la propriété : après le resserrement des conditions d’octroi l’année précédente, qui avait entraîné une baisse des demandes, le gouvernement prévoyait de rouvrir le PTZ à l’achat de maisons individuelles et dans les zones moins tendues dès le 1er février 2025. Cette réforme visait à soutenir davantage de primo-accédants et à dynamiser le marché immobilier.
- Exonération fiscale sur les droits de succession : Parallèlement, une exonération fiscale sur les droits de succession devait relancer les transactions immobilières. En effet, les dons jusqu’à 100 000 euros destinés à l’achat, la construction ou la rénovation d’un logement auraient été exonérés, à condition que le bénéficiaire conserve le bien pendant au moins trois ans.
- Le député Jean-Paul Mattei (MoDem) avait proposé un amendement au budget 2025, visant à réformer la fiscalité des plus-values immobilières. Cet amendement prévoyait la suppression des abattements pour durée de détention, l’application d’une « flat tax » de 30 % sur les plus-values, et l’imposition des plus-values sur les résidences principales, sauf en cas de revente après 5 ans ou pour motif impérieux. Cela visait à relancer l’achat de logement permanent.
- Les droits de mutation à titre onéreux (DMTO), principale source de revenus des départements, ont connu une baisse ces dernières années. Pour compenser cette perte, une hausse limitée à 5%, exemptant les primo-accédants et les acheteurs dans le neuf, avait été encouragée par le gouvernement.
- L’ancien gouvernement envisageait de supprimer les avantages fiscaux pour les loueurs meublés non professionnels (LMNP). Le gouvernement Barnier avait proposé de modifier le calcul de la plus-value en y intégrant les amortissements, ce qui aurait alourdi la fiscalité des meublés, normalement plus avantageuse, afin de l’aligner sur celle de la location nue. Cette réforme visait à encourager la location ou l’achat de non meublés.
- La prolongation du dispositif Pinel : Le dispositif Pinel, qui offre des réductions d’impôts pour les investissements locatifs, devait prendre fin le 31 décembre 2024. Toutefois, pour atténuer la crise du logement, les parlementaires avaient voté une prolongation jusqu’au 31 mars 2025. Mais en raison de leur démission, le prolongement n’aura pas lieu.
2. Les mesures qui ne changent pas
- Les passoires énergétiques sanctionnées: Les sanctions liées aux passoires énergétiques restent inaltérées malgré l’instabilité politique. Les logements classés G au diagnostic de performance énergétique (DPE) ne pourront plus être loués à partir du 1er janvier 2025. Le gouvernement avait envisagé un assouplissement du calendrier, en particulier pour les copropriétés où les travaux de rénovation s’avèrent plus complexes. Mais, avec la chute du gouvernement, ces modifications n’ont pas abouti. Le secteur du logement continue de juger cette échéance difficile à tenir, mais le calendrier demeure strict.
- Le durcissement des logements meublés : Par ailleurs, la fiscalité des meublés touristiques reste également inchangée. Dans le cadre de la loi Airbnb, le budget 2025 prévoit toujours de durcir les réglementations des locations meublées non professionnelles. Cette réforme vise à réduire les avantages fiscaux de la location saisonnière et à fournir aux maires des outils pour mieux réguler les meublés de tourisme. Les municipalités pourront limiter la durée de location des résidences principales à 90 jours, fixer des quotas de meublés de tourisme et créer des zones réservées pour les résidences principales.
- Le dispositif MaPrimeRénov’est reconduit pour cette nouvelle année mais des réductions sont à prévoir. À partir du 1er janvier, certaines aides seront diminuées, notamment celles pour le chauffage au bois (-30%) et pour les rénovations d’envergure. De plus, les ménages les plus modestes ne pourront plus bénéficier que d’une avance couvrant 50% de la prime pour leurs travaux de rénovation, contre 70% auparavant.
Une incertitude plane donc sur le devenir de certaines de ces réformes. À voir ce qu’il adviendra dans les prochaines semaines.
II. Démission du gouvernement, des répercussions sur le marché immobilier ?
1. Logement et collectivités : les services locaux en péril
- Collectivités territoriales en danger
Les collectivités territoriales risquent de subir un gel des dotations de l’État, ce qui pourrait affecter le fonctionnement des services publics. En effet, ce gel limiterait les budgets nécessaires à l’entretien et à la construction de logements sociaux ou d’infrastructures urbaines, avec des répercussions sur le financement des services locaux.
Pour compenser cette perte de revenus, plusieurs municipalités pourraient envisager une hausse des taxes locales, comme la taxe foncière, afin de maintenir leurs projets.
En plus des propriétaires qui pourraient voir leur taxe foncière grimper, les initiatives pour développer des logements abordables ou améliorer l’urbanisme risquent de prendre du retard.
- Marché immobilier locatif sous tension
La crise politique actuelle risque de fragiliser le marché locatif. Une baisse des investissements publics et une fiscalité incertaine pourraient décourager de nombreux propriétaires de louer leurs biens ou d’investir dans l’immobilier locatif. L’offre risque de devenir de plus en plus restreinte, surtout dans les grandes villes.
2. Crédits immobiliers : des taux en hausse
Le président du Medef, Patrick Martin, a averti que la censure du gouvernement pourrait nuire à la confiance des créanciers et des partenaires internationaux, un facteur déjà perçu sur les marchés financiers.
En effet, lorsque Michel Barnier a engagé la responsabilité du gouvernement, les taux des emprunts publics français à dix ans ont augmenté rapidement. Alors qu’en novembre 2023 le taux d’intérêt réel sur 10 ans s’élevait à – 0,52 %, il est aujourd’hui à 1,73 %, soit un écart de 2,25 points de pourcentage en un an d’après la finance pour tous.
Si vous envisagez un achat immobilier, attendez-vous à une légère hausse des taux de crédit. Les prêts à taux variable et les demandes de renégociation pourraient également devenir moins avantageux.
III. Des opportunités à saisir malgré l’instabilité ?
Malgré une période politique mouvementée, le marché immobilier présente des signes encourageants et des opportunités intéressantes. De quoi redonner le sourire en cette fin d’année agitée dans l’immobilier.
Depuis la fin de l’été 2024, une baisse progressive des taux de crédit stimule le secteur, et les courtiers restent optimistes quant au maintien de ces conditions avantageuses. Les récentes tendances montrent donc que le marché possède encore un potentiel de reprise solide. De plus, les conditions actuelles offrent de belles perspectives d’achat pour ceux qui souhaitent investir ou acquérir leur résidence principale.
Une clarification rapide de la situation politique pourrait renforcer cette dynamique et restaurer la confiance des acheteurs, qu’ils soient primo-accédants ou investisseurs. En facilitant leur accès à la propriété, le secteur pourrait libérer davantage de logements locatifs et accélérer les transactions.
La situation pourrait se transformer en une véritable opportunité si le prochain gouvernement agit rapidement pour stabiliser le contexte législatif et économique. Avec des taux de crédit attractifs et un regain d’intérêt des acheteurs, le marché immobilier a toutes les cartes en main pour une reprise durable.